Mes coups de coeur

Entre le boulot et la création on ne trouve pas toujours le temps de lire, écouter, et concore moins de commenter ce que l'on consulte. Alors je vous propose là les livres, les aventures que je coseile vivement !

Actualité de 2018 : Chroniques martiennes de Ray Bradbury

Ah ! voilà un immense classique de la science fiction ; un pilier du genre rédigé par l’un des mentors, Ray Bradbury.

Chroniques martiennes est un véritable enchantement stylistique saupoudré d’anachronismes. Anachronique ou rétro-futuriste, car Ray Bradburry nous confiait avant 1970 sa vision du XXI siècle, selon les codes de l’époque : un monde états-unien au bord de la guerre nucléaire globale ou règnent insécurité et discriminations raciales.

De la bonne vielle science fiction

Le « quasi rétro-futurisme », ou plutôt l’ « anticipation ratée » c’est ce qui fait tout le charme de la science fiction des années 1950 aux années 1980. La projection dans le futur est partielle, les auteurs transposent souvent la situation sociale de leur temps à un monde techniquement plus avancé, sans toujours parvenir à deviner les évolutions de notre société. Les résultats sont souvent comiques : l’hoverboard que nous connaissons se révèle très différent et passablement plus ridicule que celui de retour vers le futur. Le gouvernement mondiale n’est pas pour demain et l’éthique scientifique fait obstacle à bon nombre de dérives décriées par les auteurs de science-fiction.

Le point comique dans Chroniques Martiennes réside peut-être dans la résurgence d’une bonne petite télékinésie à l’ancienne, ou bien dans l’utilisation de « fusées personnelles », mais encore de la terraformation expresse qui permettrait en quelques années seulement de rendre l’air martien respirable. C’est une vision bien romancée du voyage interplanétaire que nous offre Ray Bradbury. Il prédisait une rencontre avec les extraterrestres pour le moins déconcertante : s’ils ne nous ont pas contacté, c’est simplement que nous ne les intéressons pas, qu’ils ont peur de nous, ou qu’ils ne croient pas en notre existence.

L’ouvrage est une chronique, un enchaînement de tentatives d’entrer en contact avec les martiens, par l’envoi d’explorateurs. Il faut dire que le format originel semblait être celui du feuilleton. Les extraterrestres, dont le quotidien s’avère semblable au nôtre, ne prêtent initialement aucune attention aux hommes ; ils se contentent de les éliminer, par précaution. Pour cela ils usent de stratagèmes de plus en plus ingénieux à mesure que leur peur de l’homme grandit. Cette crainte apparaît tout à fait fondée, puisque les humains les anéantissent au fil du roman. Chaque conquérant terrien souhaite en effet s’emparer de son morceau de cette nouvelle Amérique. Les humains ont d’ailleurs des allures de cow boys, ils érigent de grandes villes modernes et même une station service au beau milieu de la « route 66 » version martienne.

Une fin au parfum d’holocauste

L’inéluctable troisième guerre mondiale finit par éclater, sujet classique pour la période de publication, en pleine guerre froide. Les hommes, tous enclins à un violent élan de patriotisme, regagnèrent la Terre pour combattre. Ils laissèrent derrière eux les ruines d’une ancienne civilisation, martienne, couverte par le béton des citées nouvelles à leur tour abandonnées. Sur cette question, c’est plutôt bien vu, il faut admettre que les élans patriotiques se soient renforcés, étant donné la montée des nationalismes ces dernières années.

La fin de cette guerre, dans le roman, n’a rien d’enviable : une poignée d’humains a pu échapper à la fin du monde pour trouver refuge sur Mars. Pour ne pas les alarmer, les parents avaient promis à leurs enfants qu’ils allaient voir les martiens, mais à ce stade, qui est le martien ?

Comme tout bon roman d’anticipation, celui-ci est une critique de notre civilisation, trop encline à détruire autrui, à détruire le semblable dès lors qu’il ne serait pas strictement identique. Ray Bradbury en profite pour tacler les industries polluantes, l’urbanisation de manière générale et la bétonisation.

Enfin, pour conclure, il s’agit pour moi d’une tragédie dans laquelle l’humanité échoue inéluctablement à chacune de ses tentatives d’établir le contact avec une forme de vie étrangère.

Actualité de 2018 : Terra-Park de Chistopher Stork

On ne peut vivre sans un souffle de philosophie. Cela dit, même la plus belle des pensées reste furtive et s’évanouie sitôt qu’elle n’est pas nourrie ou fixée. Pour ma part j’espère bien vaincre le Kaedium Vitae dont parle Christopher Stork dans Terra Park, mais aussi le désordre des opinions.

La mémoire est faillible et une simple variation d’émotion suffit à inverser notre pensée, elle perce notre barrière mentale en se glissant dans ses nombreuses fissures.

Le roman Terra-Park de Chistopher Stork, Stéphane Jourat de son vrai non, n’a rien d’exaltant dans l’enchaînement des actions, mais il faut l’admettre, le sujet s’avère bien originale.

L’histoire

Des extraterrestres, vraisemblablement des programmes informatiques, viennent sur Terre pour… se détendre. Oui oui ! pour se détendre ! Ils se désaltèrent de notre désordre, et pour mieux en profiter ils l’organisent, ils contribuent à la créer en bousculant notre société. Le héro découvre la notion d’individu, lui qui n’a jamais existé qu’au travers d’un groupe, il découvre aussi la notion de plaisir. Ce qu’l appréciait au début, il finit par en être la victime, il subis la puissance des sentiments et enfin tombe amoureux d’une humaine et de sa douce musique.

«Un groupe d’extra-terrestres effectue sur la Terre un étrange voyage à la recherche de ce qu’ils nomment le Plaisir.
Gôr, celui d’entre eux qui tient le « journal de bord » de ce voyage, éprouve quelques difficultés à s’adapter à la race des hommes et à son désordre. Car il vient, lui, d’une planète où règne l’ordre absolu.
Peu à peu, Gôr en viendra à s’attacher à cette espèce déconcertante. L’amour l’y aidera, l’amour de la musique d’abord, et aussi celui d’une Terrestre.
Puis Gôr découvrira de quoi est fait le Plaisir qu’il est venu chercher sur la Terre et cette découverte l’amènera à se ranger aux côtés des hommes dans leur lutte contre le désordre.
Mais, les hommes étant imprévisibles même pour un extra-terrestre, cette lutte ne se terminera pas comme Gôr l’aurait peut-être souhaité…»

Résumé en quatrième de couverture.

Cette lecture nous laisse entrevoir une humanité sous un nouveau spectre. Le paradoxe de l’ordre et du désordre est au cœur de l’ouvrage. Le héro vient s’abreuver de désordre sur Terre, il l’apprécie mais décide de le combattre, il parvient même à le vaincre en se rebellant contre son propre peuple. Il démantèle un véritable réseau digne des plus folles théories conspirationnistes, mais du nouvel ordre par lui installé, naît une nouvelle aberration. Enfin, il se retrouve chassé et finit par se lasser du désordre.

J’essai de rester suffisamment énigmatique pour ne pas trop en révéler sur l’intrigue de cette histoire.

Rien de très originalité dans le premier tiers de l’oeuvre si l’on en croit la critique de Denis GUIOT (voir la critique), mais l’accent sur la jeunesse en légitime défense face à l’ordre établi serait l’élan de nouveauté de l’ouvrage. Pourtant, la jeunesse opposée à l’ordre imposé ce n’est rien de plus que la description d’un phénomène constant de société depuis la révolution française, c’est l’idée même du progressisme.

Ce qu’il faut retenir

Les hommes vivent de sentiments, des illusions chaotiques qui disparaissent aussi vite qu’ils se manifestent.

« Les terrestres s’enchantent de mots et de sons qui, par la rêverie qu’ils suscitent, masquent la consternante platitude de leur quotidien. »

Extrait du roman, pages 216 à 217.

Notre plus grande force est le sentiment, dont le plus intense est l’amour ; en particulier l’amour de soi qui fonde l’individualisme, source du désordre qui nous nourrit.

Informations techniques
Genre : science-fiction
Edition : Fleuve noir – 1980
Collection : Anticipation
Illustration : Young Artists VLOO
224 pages
ISBN : 2-265-01276-9